Artworks – Baroness (avant concert du Grand Mix)

Quiconque pose un œil sur une couverture de Baroness ne pourra qu’apprécier la qualité des illustrations. J’avoue que je ne connaissais pas trop le groupe mais étant donné que je serai ce vendredi 18 au Grand Mix de Tourcoing pour les photographier, j’ai quelque peu creusé le son et ce qui m’a immédiatement frappé, c’était bien évidemment la qualité des artworks.

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C’est beau au possible, on pensera Art Nouveau, Mucha, Klimt tant c’est truffé de détails et travaillé comme de vraies compositions sachant que ce sont là les 4 couvertures des albums du groupe réunies sur ce visuel, Red Album, Blue Album, Yellow & Green Album. Je vous achève ? Le graphiste n’est ni plus ni moins que le chanteur du groupe même, John Dyer Baizley.

Avouons que le type est salement doué ! En creusant un peu, on apprend ainsi que comme nombre d’illustrateurs, John s’est intéressé très jeune au dessin et que ce sont notamment les comics qui l’ont poussé à perfectionner son dessin anatomique avant qu’il ne poursuive des études artistiques. Voici ce qu’il dit quant à son travail et son inspiration (via le site Portalsmusic) :

J’ai regardé nombre de tes travaux et il semble que chaque œuvre fonctionne avec les autres, comme une sorte de mythologie bien plus large. Tu te sers beaucoup de la figure féminine et animale (en particulier les oiseaux et les poissons). Est-ce lié à quelque chose de particulier ? Ou est-ce juste un style que tu as développé ?

John : Je pense que c’est basé sur mon expérience, du lieu où j’ai grandi et de la manière dont je l’ai fait. J’ai été énormément exposé à la Nature, qu’il s’agisse d’une ferme où j’ai grandi dans les Montagnes du Blue Ridge ou durant les longs campings  que j’ai pu faire, parfois durant des mois dans le Nord du Québec, dans l’Ontario ou le Nord du Canada. Je vivais littéralement en dehors des sentiers battus pendant 2 à 3 mois chaque année et forcément, on est en contact permanent avec ces oiseaux et poissons. C’est absolument fait de manière consciente mais quand vous travaillez de façon figurative comme je le fais, on dessine les images que l’on aime et que l’on aime dessiner. J’aime dessiner les formes féminines et très souvent, les oiseaux et poissons me semblent intéressants. Je ne me restreins pas à ça car je suis un artiste comme un autre quand j’y travaille donc ce n’est pas satisfaisant de travailler qu’un rendu, on doit aller au-delà de ça. Regarder en quoi ces images sont pertinentes. Je passe beaucoup de temps à y réfléchir. [L’artiste avouant dans une autre interview que ses travaux ne sont jamais expliqués, qu’il préfère laisser chacun en faire sa propre interprétation tant ces choses lui sont personnelles.]

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Ton travail semble pas mal s’appuyer sur l’imagerie des rituels. C’est très organique, est-ce voulu ?

J : Oui, bien sûr. Laisse-moi juste commencer par dire qu’une grande proportion de mes travaux a un aspect commercial. Cela ne me convient pas forcément car je ne me vois pas comme un « artiste commercial ». Mais je suis un amateur de musique, un amoureux de la musique et un musicien, donc je comprends toute l’importance de l’aspect visuel. J’ai un grand respect pour ça [il a notamment déclaré travailler les visuels avec la même importance accordée aux paroles de son ses albums ou de la musique même]. Quand cette simultanéité existe, elle fait avancer le groupe et le groupe l’aspect visuel. Ceci précisé, je prépare toujours mon travail comme je le ferai avec n’importe qui d’autre et ne pas avoir à faire de compromis. Je n’aime pas trop avoir à faire de compromis. Donc tant que ces éléments qui précédent un projet sur lequel je m’implique, et que j’estime ces éléments entièrement justifiés au sein de cet univers ou ensemble de structures ou d’imagerie ritualiste ou d’icônes, cela ne fait que servir mon propos en tant qu’artiste.

Nombre de ces choses, qui pourraient sembler abstraites ou obtuses ou, j’hésite à dire occultes, mais tu vois de quoi je parle. Beaucoup sont des métaphores et s’appuient sur d’autres éléments. Cela vient plus d’un univers personnel que d’un quelconque aspect lié à l’occulte ou tout autre élément du type horreur de la Hammer. Il y a de très bonnes choses artistiquement parlant dans ces univers mais je préfère m’en exclure. Quand tu utilises une imagerie très chargée tu te dois de comprendre quel en sera son impact et sa pertinence. Très souvent quand je me sers d’une image qui a cette charge, si c’est un clou, nous Américains, avons tendance à faire un lien immédiat au crucifix. Donc si j’utilise beaucoup l’imagerie des animaux d’Amérique du Nord alors ça pue la sorcellerie ou ce genre de trucs. […] Ce que j’essaie de faire est donc de détourner ça, parce que je pense que l’on peut doubler, tripler, quadrupler le sens des choses. Si vous utilisez une image familière aux gens, ils y sont réceptifs. Cela les touche. Ensuite vous prenez cela et l’utilisez de manière à ce que cela endosse un sens différent, c’est là je pense que l’imagerie finit par avoir sa propre vie. Et cela ne correspond plus à aucune tradition particulière mais représente bien le commencement de sa propre tradition.

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Je ne vais pas me contenter de traduire toute l’interview, il me semble plus pertinent de n’en tirer que quelques extraits faisant la lumière sur ses travaux, dans cette autre interview trouvée sur Ocartblog, l’artiste revient sur son processus de création :

John : Quand je travaille sur l’artwork et la musique de Baroness, il y a cette sorte de balance entre ce que je veux accomplir visuellement et ce que je veux accomplir du point de vue sonore. Parfois des éléments de l’artwork que je crée préfigure la musique que je joue. Plus souvent, c’est plus simple d’écrire la musique en premier et ensuite, une fois ces thèmes définis, tu essaies d’en capturer l’imagerie. Par exemple, pour le Blue Record, j’ai commencé à travailler sur l’artwork alors que nous étions encore en studio à enregistrer. Je faisais l’artwork tout en écrivant les paroles dans le même temps. Pour l’album le plus récent (Yellow & Green), l’album complet a été écrit et les pistes créatives étaient sur carnet, idées, ébauches et pensées. L’enregistrement nous a pris pas mal de temps et j’étais mentalement, physiquement et psychologiquement épuisé. Je ne me voyais pas même prendre un crayon pendant l’enregistrement. Le jeudi, nous avions terminé l’album et pourtant, le vendredi, je me suis plongé sur l’artwork et j’y ai passé des centaines d’heures à travailler les détails.

Quant au format, John regrette certains aspects de la musique moderne, à juste titre :

Je suis plutôt old school quand on évoque l’artwork d’un album. Je travaille au format 33×33 voire 35×35 cm. Je travaille plus grand de manière à ce que qu’une fois recadré de quelques centimètres, tout soit bien cadré… Mais c’est difficile parce qu’ensuite il faut faire tenir tout ça dans un petit carré (le format du CD), tant de choses subtiles et de détails… se retrouvent compressés. Maintenant, on parlera même 2,5 cm par 2,5 cm dans iTunes. D’une certaine manière, je pense que l’Art dédié aux pochettes d’albums se meurt. Cela fait des années que je me suis investi dans ma carrière artistique, en tout cas d’un point de vue musical. Me concernant, la musique doit être écoutée sur vinyle. C’est l’expérience ultime d’écoute, en tout cas, c’est ainsi que je travaille mes artworks.

 John Dyer Baizley n’étant pas exclusif, il a travaillé pour d’autres groupes tels que Darkest Hour, Flight Of The Conchords (entre autres) en termes de pochettes mais a aussi récemment participé à la création d’un visuel commandé pour Metallica. Je vous laisse avec une petite sélection de travaux dans lesquels vous repérerez aisément les four horsemen. Je vous invite aussi à jeter un œil au site A Perfect Monster de Baizley pour découvrir un peu plus encore et suivre ses travaux.