Artwork – « Everest » de Girls In Hawaii

Ce n’est pas parce que je ne connais pas plus que ça les Girls in Hawaii que je dois passer à côté de cette superbe pochette d’album ! Ici, les Belges ont mis en avant un de leurs compatriotes, à savoir le peintre belge Thierry De Cordier.

Il s’agit plus précisément d’une peinture à l’huile intitulée, Mer Grosse, tirée d’une série réalisée en 2011.

Girls-In-Hawaii

Choisir la mer pour illustrer un album intitulé « Everest » ? « La mer, autant que l’Everest n’est rien de plus qu’une force immense qui ne peut être ignorée ou maitrisée », expliquent les Belges dans une note accompagnant la publication. « Choisir la peinture de Thierry De Cordier est une décision réfléchie et importante : l’image parachevant le chemin que nous avons suivi ensemble. Une sorte d’achèvement avec un fort sentiment de liberté. »

Il faut savoir que le groupe a été confronté à un événement tragique en la disparition de leur batteur Denis Wielemans. Ce qui explique, pour le groupe, cette imagerie basée sur « la symbolique de l’Everest, ce mur infranchissable qui ne peut l’être qu’en groupe » comme le confirme Antoine Wielemans (chant et guitares) dans les colonnes de LeSoir.be :

Ce disque avait besoin d’un titre très large. Un titre dans lequel chacun peut y mettre son histoire et son ressenti. Effectivement, il y a cette idée de montagne à franchir en groupe. C’est la manière la plus évidente de le comprendre même si ce n’est pas ce sens-là qui nous intéresse. Ce que j’aime dans Everest, c’est cette espèce d’immensité complexe. C’est difficile à appréhender. […] C’est, de fait, un mot un peu valise. L’Everest, c’est aussi toute la mythologie. Cette zone tampon entre la surface terrestre et céleste. C’est aussi un bon terme qui définit les ambitions du son du disque. On souhaitait quelque chose d’aérien, de venteux, de tempétueux et d’épique. Il n’est pas ancré dans la terre comme nos deux premiers disques. Surtout le deuxième, qui était boisé, humide.

De 1982 à 1986, Thierry de Cordier a vécu à Ostende, tournant le dos à ses contemporains et regardant vers la mer. C’est là qu’il peint ses premières marines, qui se réduisent bientôt à des tableaux monochromes.

Quant aux peintures de l’artiste, Lalibre.be s’attardait sur une récente exposition, sur le mur des œuvres, ce texte de l’artiste même, qui parle du sublime, de l’enchantement, « d’une peinture massivement silencieuse qui n’agit qu’en elle-même. D’un peinture qui demeure sans pourquoi ». « Faut-il nécessairement dire quelque chose ? La commenter ? Vouloir l’expliquer ? », dit-il. « Les œuvres ici réunies ne sont ni intéressantes ni sociales au sens où le veulent les journalistes et la critique aujourd’hui. Elles sont radicalement désintéressées du quotidien et de son spectacle navrant. Autrement dit, elles s’en tapent ! »

Les tableaux choisis sont de grands paysages peints ces dernières années. D’abord, un chemin de campagne, mais celui-ci se transforme peu à peu en mer, en vagues. L’océan et la terre se mélangent dans des tourbillons vert et gris, dans des peintures hors du temps, qui renvoient à toutes les époques et à tous les lieux. Une peinture du « sublime ».

Je suis un philosophant qui peint.

Chez De Cordier, la peinture est mentale même si elle est très physique aussi par la succession de couches qu’il superpose. S’il habite Ostende, jamais il ne voit la mer et celle qu’il peint est celle qu’il imagine, mêlée à des idées de montagnes et de campagnes. Ses paysages sont philosophiques.

Ma recherche n’a rien à voir avec le quotidien, avec le sociologique. Je me qualifie de ‘philosophant qui peint’. Je ne suis pas un mystique car je n’en mène pas du tout la vie austère, mais j’ai parfois la capacité d’incarner le mystique dans mes peintures. Je fais cependant attention à ne faire que frôler les frontières car elles touchent à la folie. Comme j’en ai peur, je veille à garder une distance sécurisante.
J’ai repris sur un tableau ce vers du poète John Care : ‘L’or et la beauté s’enfuient’. Le sublime commence là où les choses à la fois vous attirent et vous repoussent. Le photographe Jean-Marc Bustamante me disait qu’il était préoccupé par le beau mais il estimait que moi j’étais en dehors, au-delà, et que c’était là que se trouvait le sublime.

Dans son texte sur le mur, De Cordier se demande s’il faut encore dire quelque chose : « Les mots ne peuvent pas exprimer la complexité du sublime. La poésie peut le faire et la peinture peut exprimer des choses impossibles à traduire en mots. Ce texte est doucement provocant, c’est un manifeste doux. »

Les différentes éditions d'Everest.