Artwork – « After The Disco » de Broken Bells

Spotify désormais en écoute gratuite contre de la pub, cela me permet, couplé aux infos de VisualMusic, de découvrir de nouveaux groupes. Enfin nouveau, Broken Bells c’est l’association du producteur Danger Mouse (Gnarls Barkley, Gorillaz ou encore les Black Keys) et du chanteur James Mercer (du groupe The Shins) qui date de… 2010 ! Oui mais voilà, leur second album « After The Disco » sort en ce mois de février 2014, l’occasion d’en parler un peu plus (et ne vous laissez pas tromper par le premier single, véritable hommage aux Bee Gees).

La couverture a été réalisée par le graphiste Jacob Escobedo et se veut une ode à la couverture d’un roman de SF appelé « Stranger in a Strange Land » (« En Terre Étrangère » en VF) de Robert Heinlein, que le chanteur James Mercer adorait plus jeune.

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Après avoir déjà réalisé la pochette du premier album signé du duo (en 2010) et alors qu’il avait entretemps travaillé avec chacun des musiciens de façon indépendante (la couverture de l’album de The Shins est de lui), Escobedo s’est finalement retrouvé dans la position très enviable d’assister à l’enregistrement de l’album. Passionné de nature et de SF, il se trouve que l’artiste a participé à une interview sur coolhunting.com exposant un peu plus son process de travail sur cet album (quelle belle coïncidence). J’en profite donc pour vous faire une petite sélection des éléments les plus intéressants.

Quel est ton process de travail pour développer l’univers graphique d’un album ? Où commences-tu ? Combien de pistes suis-tu ?

Chaque album est différent. Pour Broken Bells, James et Brian (aka Danger Mouse) avaient pas mal d’idées déjà arrêtées – ce qui est toujours super. Avec « After The Disco », j’étais à LA et à même de me rendre chez Brian afin d’écouter l’album qu’ils enregistraient. Avant même qu’ils n’aient encore enregistré les paroles. Donc imaginez, Brian est d’un côté à essayer des rythmes et des tonalités alors que James est de l’autre côté du canapé essayant d’harmoniser sa propre voix. C’était franchement surréaliste pour moi mais c’était génial. Nous avons commencé à discuter des visuels à ce moment précis. C’est un peu ce qui a tout déclenché. Je suis rentré et dans l’avion, je faisais des dessins de cette femme perdue dans l’espace. C’est une femme nue allongée sur une falaise avec un casque. C’est ensuite que James m’a envoyé la couverture d’un vieux livre de SF. Tout est parti de là.

À quel point l’ensemble de l’album ou un titre peut-il influencer l’aspect visuel des artworks ?

Je prends chaque album comme un tout. Avec d’autres projets comme l’album de The Shins, le titre « Port Of Morrow » m’a quelque peu marqué. C’est une chanson assez sombre qui parle de mortalité et j’ai fini par suivre cette voie pour l’album. Avec cet album en particulier, il y a beaucoup de chansons d’amour et d’envie. La première parle notamment d’une femme se languissant d’une relation.

[…] Quels sont les éléments qui suscitent ta créativité ?

Je suis très attaché aux éléments de la nature.  J’en collectionne beaucoup. Je m’intéresse beaucoup à la science, l’espace et les formations de coraux et de roches. Ces choses naturelles nourrissent certains travaux. J’adore aller dans les magasins d’occasion et trouver toutes sortes de vieilles choses. Ma maison est pleine de livres. Je collectionne beaucoup les livres de SF pour leurs couvertures. Je m’intéresse à toute sorte d’artiste. Un de mes préférés (pour ma femme aussi d’ailleurs est Neo Rauch. C’est ce peintre qui réalise d’incroyables paysages surréalistes.

Dans cette autre interview pour le site Verbicidemagazine.com, l’artiste revient sur les origines de sa passion et sa méthodologie de travail.

Après avoir collaboré avec Danger Mouse, David Lynch, Jack White, Gnarls Barkley […] tu es aussi impliqué dans la musique que le graphisme. Quels sont les aspects gratifiants de la création quand elle est si intimement liée à la musique ? Et quels en sont les points négatifs ?

J’ai l’impression d’avoir destiné ma vie à la création de visuels pour la musique et la télé (ndr : Jacob bosse pour Cartoon Network). Je suis obsédé par les deux. Certains albums ont défini des moments importants de ma vie. « Closer » de Joy Division est un de ces albums. J’ai grandi dans une famille de Mormons et je me souviens à l’âge de 12 ou 13 ans être allé dans un Kmart et avoir acheté une cassette que j’ai écoutée sur le chemin du retour alors que le désert défilait devant moi. C’était la chose la plus sombre que j’avais jamais entendue. Les visuels de cet album me hantent encore. Cela a changé quelque chose en moi, une indépendance vis-à-vis des parents et de tout ce qui m’entourait.

Je cherche toujours ces éléments de contraste dans toute musique. Toujours être à la recherche de cette chose qui vous emmènera ailleurs mentalement. Pour moi, cela a toujours été un parcours naturel pour en arriver là. Illustration, animation, design, musique, direction artistique,… Tout cela ne fait qu’un pour moi. Le seul point négatif est que je n’ai pas assez de temps pour faire tout ça. Je dois vraiment me concentrer ou je cale. Tout ce qui tourne autour de moi souffre des projets les plus longs. Je dois lâcher un peu la communication pour que le boulot soit fait. C’est un problème parfois. Je ne participe à aucun réseau social du tout (ndr : c’est vrai, j’ai cherché !),  je suis plutôt déconnecté car j’ai peur que la distraction me dévore.

Tu crées souvent de façon digitale ou améliore tes travaux. Quelle est la balance entre l’art traditionnel et ce qui est retravaillé sur Photoshop ou d’autres outils digitaux ?

J’ai le sentiment que l’ordinateur est juste un outil de la même manière que le sont mes crayons. J’aime autant travailler avec un pistolet de colle que d’allumer mon ordinateur. Si je n’utilise pas de crayon dans le process de création, je ne me sens pas trop connecté à ce que je crée. Ça commence donc toujours de cette manière, et je finis souvent sous Photoshop ou Illustrator. En général, j’aime les travaux réalisés manuellement plutôt que ce qui a été fait par ordinateur. Si l’œuvre a des défauts, c’est une bonne chose.